Je m’intéresse aux mécanismes psycho-cognitifs de la perception. À travers dessins, objets, installations, dispositifs artistiques, j’interroge le rôle de la mémoire, des représentations construites, du point de vue, des attentes et des fantasmes, dans l’interprétation d’une information sensible.

Les dispositifs que je mets en oeuvre fonctionnent souvent comme des leurres ; amusants, « jolis », décoratifs au premier abord, ils proposent une deuxième lecture par un trait d’humour, un déplacement, ou une immersion.

« Chez Louise » désigne l’ensemble de dessins-objets qui constituent une maison fictive, fantasmagorique. Les motifs des éléments qui la composent sont agencés pour opérer comme des artifices ; l’illusion qu’ils créent est fugace et disparaît au fur et à mesure que le visiteur s’en approche.

J’emploie le motif et les codes de la décoration pour créer des métaphores visuelles et générer des projections mentales chez le visiteur. Je ne vise aucune lecture psychologique. J’invite seulement le regardeur à s’amuser avec moi des aveuglements que provoquent «les représentations construites» et «les résonnances» formelles.

La question du point de vue est très présente dans mon travail car il conditionne, modifie les perceptions.

J’aime jouer avec les distances, les rapports d’échelle, la dialectique intérieur/ extérieur. Qu’elle concerne un espace physique, sensible, mental ou symbolique, cette dialectique se retrouve dans toutes mes oeuvres.
Le point de vue est aussi lié au statut du regardeur auquel je peux proposer d’être acteur, en entrant dans un environnement, en y circulant, en prennant part à l’action, au déroulement d’un jeu : «Chemin faisant… Jaune», «Chez Louise» et la visite-performée de Pavonis Mons en vacances, invitent au déplacement. Quand à «Sous couvert de jeu», il permet d’être tour à tour acteur-joueur, créateur et spectateur.

La mémoire me semble intimement liée au point de vue puisqu’elle a pour fonction de réactiver le passé dans un présent. Cette opération qui s’inscrit dans un espace-temps spécifique, s’accompagne imanquablement d’une réecriture. Ainsi nous arrangeonssans cesse nos récits personnels, lesquels alimentent à leurs tour nos discernements.

A notre insue la mémoire influence notre système sensoriel. «Avant la belle saison» illustre ce mécanisme. Cette pièce évoque la découverte d’un plan d’eau, dévolu à la baignade et à quelques activités nautiques familiales. C’était le début du printemps. À quelques mètres de la rive, posé sur l’eau calme, il y avait un plongeoire. La vue de cet objet a réactivé des mémoires enfantines et a totalement focalisé mon attention, au point que la représentation que j’ai donnée de ce lieu, est un paysage flou au milieu duquel apparaît la plateforme d’un plongeoire. L’œuvre est une image fixe projetée, occupant un mur du sol au plafond. Elle s’accompagne d’un enregistrement sonore de «ploufs», de «bombes», de plongeons retentissants, de cris et de rires d’enfants, qui remet symboliquement en mouvement l’image d’une réminiscence.

D’autres travaux sont plus directement reliés à mes souvenirs, mes propres projections et mirages. Il m’arrive de les combiner volontairement aux récits d’autrui pour les remettre en perspective.

«Avant la belle saison» et «Comme au château… la piscine», sont des œuvres qui font partie d’un «récit
plastique» de vacances, du collectif Pavonis Mons, dont je suis membre. (Projet artistique mené à Monflanquin et ses alentours, à l’occasion de nombreux et courts séjours, à la résidence d’artistes Pollen.). «Comme au château», raconte ma frustration, de ne pas pouvoir accéder à un lieu que l’on nous avait conseillé avec enthousiasme. Cet événement m’a rappelé les sensations désagréables que j’éprouve systématiquement devant les maquettes historiques des châteaux. L’œuvre évoque aussi la découverte d’un endroit, biaisée par la perception que j’avais de la personne qui nous y avait guidées. In fine, la mémoire a fait son œuvre et ces différentes interprétations se sont cristallisées autour d’une référence artistique, d’un clin d’oeil à Marcel Duchamp.